Miguel :
Ta maman m'a remis ta lettre et la photo où tu es avec ton chien. Je profite que ta maman est sur le chemin du retour pour t'écrire ces lignes empressées que, peut-être, tu ne pourras pas comprendre encore. Pourtant, je suis sûr qu'un jour comme celui où je t'ai écrit ce que je te mets ici, tu comprendras qu'il est possible qu'existent des hommes et des femmes comme nous, sans visage et sans nom, qui abandonnent tout. Même la vie, pour que d'autres (des enfants comme toi qui ne sont pas comme toi) puissent se lever tous les matins sans avoir de mots à taire ni de masques à mettre pour affronter le monde. Lorsque ce jour viendra, nous, les sans-visage et sans nom, pourrons nous reposer, enfin, sous terre… bel et bien morts, ça oui, mais contents.
Sous-commandant Insurgé Marcos, Pour qu'il n'y ait plus besoin de soldats, 6 mars 1994, in Sous-commandant Marcos, Ya basta !, Les insurgés zapatistes racontent un an de révolte au Chiapas, tome 1, trad. Anatole Muchnick et Marina Urquidi, Paris, éditions Dagorno, 1996, p. 207.