Mais Winckelmann critique les faiblesses de cette méthode et explique que les sculpteurs de l'académie de France à Rome, qui avaient souvent à copier des antiques, ont élaboré une méthode différente, adoptée par beaucoup. Elle consiste à fixer au-dessus du modèle et du marbre des cadres rectangulaires de taille égale sur lesquels est reportée la même échelle et auxquels on suspend des fils à plomb. La figure 143, où divers compas viennent compléter ce dispositif, illustre bien cette méthode. Méthode depuis longtemps anticipée, à vrai dire, par Alberti et Léonard, et qui resta en vogue (avec, faut-il le préciser ? Des améliorations techniques considérables) jusqu'à la fin du XIXe siècle et au-delà. Elle ne satisfait pourtant pas non plus Winckelmann, qui lui préfère ce que, pour faire bref, j'appellerai le procédé michelangelesque du bassin d'eau. Winckelmann, prenant l'analogie de Vasari au pied de la lettre, croyait que Michel-Ange plaçait réellement son modèle et le bloc de marbre dans des récipients pleins d'eau qui étaient vidés progressivement afin de déterminer les points correspondants. Je vous épargnerai les explications très détaillées qu'il donne sur l'infaillibilité de cette méthode ; elles ne sont guère convaincantes. Falconnet avait raison : Winckelmann était un antiquomane, pas un sculpteur.
Rudolf Wittkower, Qu'est-ce que la sculpture ? [1977], trad. Béatrice Bonne, Paris, Macula, 1995, p. 241-242.