Il est bien évident que des outils en pierre non taillée — ce qui ne veut pas dire des outils non fabriqués, comme il est possible de le faire en lançant violemment un bloc de pierre contre un rocher pour obtenir des éclats — ont été utilisés, ainsi que des morceaux de bois, des feuillages et même divers ossements ou bois d'animaux. On doit à Raymond Arthur Dart, le découvreur des Australopithèques au cours des années 1920 en Afrique du Sud, une théorie dite "ostéo donto-kératique". Selon son hypothèse, les Australopithèques utilisaient des os ("ostéo"), des mâchoires dentées ou des défenses ("donto") et des bois ou des cornes ("kératine") comme armes de défense et d'attaque. Mais comment dégager des preuves archéologiques de ses usages ? On retrouve bien de tels objets aux côtés des ossements fossiles d'Australopithèques dans les grottes d'Afrique du Sud, mais cela signifie-t-il qu'ils aient été utilisés ainsi ?
Les études récentes des sites à Australopithèques d'Afrique du Sud nous montrent qu'il s'agit de cavités dont les remplissages sont dus à l'activité de prédateurs. Cependant, pour des périodes plus récentes et mieux datées — autour de deux millions d'années —, certains sites ont livré quelques vestiges de gros ossements dont l'observation au microscope révèle des traces d'action évoquant celle d'un bâton à fouir.
Mais en ayant attiré l'attention sur des objets autres que lithiques, elle a conduit à de nouvelles interrogations ; sans elle, ce bâton/os à fouir nous aurait peut-être échappé… Faire de la recherche, c'est avant tout se poser de bonnes questions, quitte à mieux les réfuter.
Pascal Picq in Pascal Picq et Hélène Roche, Les premiers outils [2004], Paris, Le Pommier, 2013, p. 23-24