Construire les fondements d'un care démocratique implique peut-être de donner une place moins importante à l'identité que celle qu'on lui donne habituellement. La politisation du care implique que l'on souhaite se frotter aux autres, à leur point de vue, à leur expérience, dans une logique qui n'est pas celle de l'affrontement viril ou de la compétition — pas celle du genre donc —, mais celle de la rencontre attentive, une relation dont on sait qu'on en sera transformé mais sans pouvoir prévoir comment, jusqu'à quel point et avec quelles conséquences sur nos vies. Une politisation du care ne se contente donc pas d'introduire dans la cité les questions cruciales de nos multiples dépendances. Elle vient appuyer sur ce qui, en ce moment, fait mal et honte dans notre société : le rejet de ceux qui n'appartiennent pas au cercle privilégié des citoyens à plein titre et qui figurent comme des citoyens de seconde zone. Ceux-là ont intérêt à se tenir à carreau. Et ceux qui voudraient les aider aussi. Une figure emblématique du care aujourd'hui : celui ou celle qui aide les sans-papiers.

Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman, Introduction in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 27-28.