Dans un certain sens, cette logique d'un nouveau genre avait déjà été annoncée, voire comprise, par certaines avant-gardes de notre siècle, à partir de l'incontournable Marcel Duchamp. Celui-ci, en exposant en tant que création artistique l'urinoir Mutt, c'est-à-dire un objet d'emploi courant, et en affirmant par là que c'est le contexte qui par ses significations et ses implications fait qu'un objet est une œuvre d'art, marquait déjà cette transmutation. Il se produisait ainsi un déplacement dans le mécanisme relationnel, dans la contextualisation des œuvres, l'accent étant détourné de la valeur de chaque ouvrage tel qu'il était enfermé dans des codes autoréférentiels. On pourrait citer aussi d'autres approches esthétiques analogues à celle-ci, étant donné qu'aujourd'hui on travaille dans cette dimension, et que non seulement des artistes utilisant des médias plus traditionnels, comme la vidéo ou les installations, mais aussi des artistes qui pratiquent encore la peinture, reflètent d'une certaine façon cette nouvelle manière de voir, de percevoir, d'agir, des êtres humains. Car la mutation est dans les faits : de plus en plus, l'information nous est indispensable dans notre vie de tous les jours et nous sommes en train de sonder petit à petit tout notre savoir, que nous vérifions à la lumière de la logique systématique de l'information. Dans un certain sens, personne, aucun artiste, ne réussit plus à travailler en demeurant étranger à la mutation culturelle et technologique. Ceux qui utilisent des médias technologiques tels que la réalité virtuelle ou le network atteignent plus de précision et d'exactitude parce que le médium dont ils se servent exprime directement les nouvelles relations et les nouvelles significations.
Piero Gilardi, "Dialogue avec Carlo Terrosi", Turin, 1998, Texte paru dans Arte-It n°0 Bologna, 1999, in Not for sale, À la recherche de l'art relationnel 1982-2000, Dijon, Les presses du réel, 2002, p. 84-85.