Je lui ai tourné le dos, les deux mains agrippées à la balustrade. Je l'entendais rassembler ses pots et ses flacons dans un silence irrité tandis que j'inspectais le paysage, irrité moi aussi.
— Bon, excusez-moi, mais ils m'ont déconcentré.
Que pouvais-je lui dire d'autre ? Elle est rentrée au moment où je lui jetais un coup d'oeil par-dessus mon épaule. J'ai éteint une des deux lampes, baissés un peu l'autre.
Une vague lueur olivâtre filait encore sur l'horizon. Des nappes de brume, plus au nord, immobiles, des gisants. Une demi-lune translucide. L'ombre d'un grand-duc, son vol glissé, son "pouhhouh". Une odeur de bois brûlé. Et la voila qui revient, le visage fermé.

Philippe Djian, Sainte-Bob [1998], Paris, Folio Gallimard, 2012, p. 259.