Quand je me suis retrouvé seul à la maison, c'est surtout le silence que j'ai apprécié. Je me suis assis dans la cuisine et je suis resté dans le noir. Il y avait juste une lueur bleuté qui tombait dans la fenêtre. J'ai ouvert le frigo d'un coup de pied et je me suis renversé un carré de lumière sur les genoux. Ça m'a amusé un moment, ensuite je me suis servi une bière. Mais si je le fais pas, qui est-ce qui dira l'étrange beauté d'une canette de bière pour un type en train de se demander ce qui vaut vraiment la peine, au fond…? Je suis pas allé me coucher avant d'avoir été en mesure de donner deux ou trois réponses solides à la question. En refermant le frigo, j'ai éternué.
Philippe Djian, 37°2 le matin, Paris, J'ai lu, 1985, p. 278.