SALT LAKE TRIBUNE
L'exécution de l'Utah : sur les lieux du crime
Par Bob Greene
de Groupe Field.
20 janvier 1977. — Nous ne vous avons pas dit comment nous avons rampé autour des sacs de sable devant le fauteuil du condamné, des sacs de sable encore tachés de son sang. Nous ne vous avons pas dit comment nous nous sommes précipités dans la petite pièce où le peloton d'exécution attendait derrière son rideau, et comment nous avons regardé par les fentes verticales où passaient les fusils, regardé le fauteuil et comment nous avons profité de la même vue qu'avaient les bourreaux.
Nous n'avons pas dit comment nous avons touché à tout, touché toutes les surfaces imaginables du lieu de l'exécution. Nous ne vous avons pas parlé des expressions du visage du gardien de prison, qui nous regardait avec stupéfaction aller et venir avec une telle soif. Nous ne vous avons pas dit ce que nous avons fait du fauteuil du supplicié — le fauteuil avec les trous laissés par les balles dans le dossier de cuir. Nous ne vous avons pas dit ça, n'est-ce pas ? Nous ne vous avons pas dit comment nous avons plongé nos doigts dans les trous et frotté ensuite nos doigts pour nous rendre compte qu'elle était la profondeur et la largeur de ces trous par où la mort était passée. Pour tout sentir.
Norman Mailer, Le chant du bourreau [1979], trad. Jean Rosenthal, Paris, Pavillon poche Robert Laffont, 1980, 2008, p. 1261.