Et troisièmement, l'impression de vide qui émane de la plupart des œuvres littéralistes — vide supposant l'existence d'un intérieur — relève, de manière flagrante, de l'anthropomorphisme. Comme l'on fait observer maints commentateurs admiratifs, tout se passe comme si l'œuvre avait une vie intérieure, voire une vie secrète — l'exemple le plus explicite sans doute étant la pièce de Morris Untitled (1965), une grande forme circulaire constituée de deux parties légèrement disjointes laissant passer un flux de lumière fluorescente. Dans le même esprit, Tony Smith a déclaré : "Ce qui m'intéresse, c'est le caractère impénétrable, mystérieux de l'objet.[1]"

Michael Fried, Chapitre 6 Art et Objectité, in Contre la théâtralité, Du minimalisme à la photographie contemporaine, 1998-2006, trad. Fabienne Durand-Bogaert, Paris, nrf essais Gallimard, 2007, p. 124.

[1]À l'exception de l'échange cité par Morris, tous les propos de Smith sont extraits de l'entretien de Samuel Wagstaff Jr., "Talking to Tony Smith", Artforum, n°5 (décembre 1966), pp. 14-19, repris (moins quelques suppressions) in Minimal Art, op. cit., pp. 381-386.