Comme l'explique Taylor, "les managers assument […] le fardeau de collecter le savoir traditionnel accumulé tout au long du passé par les travailleurs et de classifier, tabuler ce savoir et de le réduire à des règles, des lois, des formules[1]". C'est ainsi que le savoir professionnel dispersé est concentré entre les mains de l'employeur, puis resservi aux travailleurs sous la forme d'instructions détaillées leur permettant d'exécuter une partie de ce qui est désormais un procès de travail. Ce processus remplace ce qui était hier une activité intégrale, enracinée dans la tradition et l'expérience d'un métier, animée par l'intentionnalité du travailleur et l'image du produit fini qu'il formait dans son esprit. Par conséquent, poursuit Taylor, "toute forme de travail cérébral devrait être éliminée de l'atelier et recentrée du département conception et planification[2] […]".

Matthew B. Crawford, Éloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail [2009], trad. Marc Saint-Ypéry, Paris, éditions de la Découverte, Poche, 2016, p. 49.

[1] Freferik W. Taylor, Principles of Scientific management, Harper and Brother, New York, Londres, 1915, p. 36. [2] Freferik W. Taylor, Shop Management, Harper and Brother, New York, Londres, 1912, p. 98-99.