La citation de Posener[1] résume cette situation : l'art n'est pas réduit à servir, où à refléter, il peut aussi stimuler et construire. Dans cette vaste entreprise, qui consisterait à mettre en œuvre un art public nouveau, à faire revivre l'intérêt pour la ville et pour la communication des hommes entre eux et avec le monde, l'art est appelé à jouer, aux côtés de l'architecture, un rôle primordial. Mais il ne pourra assumer ce rôle qu'à condition que les artistes émergent de leur position de solitaires, qu'ils cessent de nombriliser leur talent pour le show et leurs curiosités pour l'exposition, et agissent avec responsabilité et efficacité en direction de la vie collective. Il ne sert à rien de tenir dans les musées et expositions des discours sur sa propre discipline, sur l'essence de la forme et de la couleur, sur sa propre participation émotive, sur les horreurs du monde, sur l'autonomie de l'art et je ne sais quoi encore. Au-dehors, rien ne s'en trouvera changé, et l'art lui-même y perd pied, s'enlisant lentement mais sûrement dans une "abstraction" du monde.
Le travail artistique devrait — comme l'ont souhaité les "pères de l'art contemporain" — être une contribution à la structuration du monde environnant et à la résolution de ses problèmes. Y compris, bien entendu, l'aménagement des places. Le travail artistique peut — comme nous l'ont montré les constructeurs et peintres du passé — être un geste de tendresse, une déclaration d'amour au monde. Or actuellement, "Modernité" signifie trop souvent encore destruction de l'environnement et privation d'amour.

Ludger Gerdes, "Sur la trialectique de l'espace, l'art, et le domaine public", in Espèces d'espace, Les années 1980, Première partie, textes d'Yves Aupetitallot, Hal Foster, Maria Garzia, Ludger Gerdes, Dan Graham, Félix Guattari, Fredric Jameson, Lucy Lippard, Alan Moore, Paolo Portoghesi, Sally Webster, Grenoble, édition du Magasin, 2008, p. 145.

[1] L. Posener, Wohnen, Bauwelt 47, 1982, p. 1909.