Le nom des artistes de la Renaissance était significativement associé à un lieu ; au XIXe siècles, l'art et les artistes se concentraient dans des places privilégiées : Paris, Vienne, Berlin ou Munich. Le monde cosmopolite de l'art s'y retrouvait en y mélangeant ses racines ; le cas de New York est particulier, parce qu'il est plus tardif et marque sans doute un pas supplémentaire dans l'émergence d'un marché de l'art qui annonce celui que nous connaissons aujourd'hui. La légende de l'artiste a maintenant changé de visage ; elle s'est globalisée ; les artistes que célèbre le marché ne sont plus "cosmopolites" ; ils sont "internationaux", ce qui n'est pas du tout la même chose. Leur légende ressemble à celle de cette autre catégorie de "créateurs" que sont les maîtres de la banque, de la finance et des multinationales : ils sont partout et nulle part, et c'est un élément qui fait précisément partie de leur aura. Les fiançailles de l'art et du luxe se célèbrent dans les musées, où s'unissent l'art et les artistes, les grands commis de l'État, les stars de la mode, les riches fondations et les fondations des riches, l'architecture et les incommensurables plus-values qui y sont liées.

Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 178.