Les avant-gardes ont entrepris de détruire l'aura des œuvres d'art comme d'autres avant eux ont entrepris de briser les idoles. Leur souci de conjuguer l'art et la vie, leur intérêt pour l'aléatoire, le mécanique, les éléments de la vie ordinaire, ont été œuvres de désenchantement, bien que ce fût parfois au prix d'un réenchantement de ce que les idéaux de la vie bourgeoise avaient rejeté. Dada a incarné cette œuvre de démantèlement. Duchamp y a contribué, mais d'une autre manière, plus négative ou soustractive, en renouvelant la légende de l'artiste, une légende dont l'aura s'exprime alors paradoxalement dans une figure apophatique.

Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 133-134.