Georges voulut donc se lever, mais Georges vit que son corps était de pierre, que ce corps était froid, figé, démobilisé, que seuls ses doigts, ses orteils et son visage détenaient encore un peu d'indépendance, et Georges se vit semblable à ces statues inachevées de Michel-Ange qui sont à Florence, galerie de l'Académie : du marbre brut n'émergent que les fragments d'un être enseveli dans la roche, une cuisse, un torse, un coude levé, l'ébauche d'une face ou d'un sexe, un genou parfaitement poli. Bientôt les mains de Georges se pétrifiaient à leur tour, puis les muscles de ses joues.
Jean Echenoz, Cherokee [1983], Paris, Les éditions de Minuit Mdouble, 2003, p. 88.