Dehors, fond sonore de dimanche : tout est plus silencieux qu'en semaine, à la façon de n'importe quel dimanche mais pas seulement, pas le même silence que d'habitude, comme si restait un écho résiduel des clameurs de ces derniers jours, des fanfares et des ovations. Tôt ce matin les plus vieux employés municipaux restés en ville ont fini d'évacuer les ultimes bouquets flétris, cocardes froissées, restes de banderoles, mouchoirs trempés puis séchés avant de passer la voirie au jet. On a remisé aux objets trouvés quelques accessoires égarés, une canne, deux foulards déchirés, trois chapeaux cabossés, projetés en l'air dans la fièvre patriotique et dont on n'a pas retrouvé les porteurs légitimes : on attend qu'ils se manifestent.
Jean Echenoz, 14 [2012], Paris, Hachette livre, 2015, p. 37.