Quand je dis, donc, que chaque homme est un artiste, ce n'est pas un fait dont j'estime qu'il faut y croire, mais le résultat de mon travail. J'ai essayé d'aller un peu plus loin dans cette idée qu'une profonde métamorphose profonde de l'ensemble social, en réalisant — appelons-les ainsi — des tentatives, des expérimentations ou, on peut aussi le dire, des actes appropriés. Au milieu de ma vie — je peux me débarrasser totalement, pour une fois, du concept de politique, parce qu'il me semble fatal et inutilisable — j'ai fondé une organisation pour la démocratie directe, qui se référait très directement à la vie et à la mort dans ce pays, au déclin où à l'ascension. J'ai fait ensuite une autre tentative, parce que l'idée de la démocratie en tant que point de départ, sa source — celle dont j'ai parlé tout à l'heure à propos de la langue —, cette source à laquelle nous pouvons constamment nous rafraîchir et qui permet à notre conscience de soi de se développer, cette source liée à la pensée et à la connaissance, est ce qu'il y a de plus important. J'ai donc jugé nécessaire de mettre en évidence le pôle de liberté — issu de la conscience de soi en train de se réveiller — dans une expérience qui a pris le nom de Freie Internationale Universität. Plus tard, en tant que membre de cette F.I.U., je suis aussi devenu co-fondateur des "Verts". Et vous voyez maintenant, n'est-ce pas, que les choses ont et doivent souvent avoir un caractère expérimental.

Joseph Beuys, "Discours sur mon pays" [1985], in Par la présente, je n'appartiens plus à l'art, trad. Olivier Mannoni et Pierre Borasa, Paris, L'arche, 1988, p. 25.