Parce qu'elle construit son lieu à travers le déplacement d'un site, Delocazione rejoint à sa façon certaines réflexions menées à la même époque par quelques artistes majeurs : Robert Smithson (les Non-Sites de 1968), Dennis Oppenheim (la Gallery Transplant de 1969), Marcel Broodthaers (dont Le Coq, en 1970, déplaçait également le site d'un musée sur une plage que la marée montante finissait de recouvrir), voir Christian Boltanski (dans son film de 1973 intitulé L'Appartement de la rue de Vaugirard)[1]. Mais il suffirait tout aussi bien de rappeler qu'en toute procédure d'empreinte, le lieu s'instaure forcément d'un retrait, d'une delocazione : il faut bien le déplacement du pied - il faut que le marcheur s'en aille - pour que son empreinte nous soit rendue visible.

Georges Didi-Huberman, Génie du non-lieu, Air, poussière, empreinte, hantise, Paris, Les éditions de minuit, 2001, p. 36.

[1] Sur la question du lieu chez Smithson, cf. J.-P. Criqui, "Ruines à l'envers. Introduction à la visite des monuments de Passaic par Robert Smithson", Les Cahiers du Musée national d'Art moderne, n°43, 1993, p. 5-15, et K. Larson, "Les excursions géologiques de Robert Smithson", Robert Smithson. Une rétrospective. Le paysage entropique, 1960-1973, Marseille-Paris, Musées de Marseille-RMN, 1994, p. 38-46. Sur le film L'Appartement de la rue de Vaugirard, cf. C. Boltanksi, Les Modèles. Cinq relations entre texte et image, Paris, Cheval d'attaque, 1979, p. 31-41. Sur les "empreintes de lieux" en général, cf. G. Didi-Huberman (dir.), L'Empreinte, Paris, Centre Georges Pompidou, 1997, p. 297-307.