À la noblesse de la méthode, s'ajoute une profonde humanité : les compagnons sont davantage des artisans de l'édifice que de simples et scrupuleux exécutants. Ces maîtres d'œuvre permettent à tous les hommes du chantier de participer à l'ouvrage, leur laissant ainsi le droit d'interpréter sans, pour autant, que les proportions des architectures puissent en souffrir. Nous jugeons, nous, les plans précis indispensables. Eux, ils les remplacent par des chants rythmés, les suggèrent par des tracés dans le sable. Un module impératif règle tout l'édifice, impose la dimension de base ; après la parole suffit. Ainsi chacun peut vivre sa part du rêve dans la devination et l'adaptation de la pensée première. Je n'invente rien, c'est bien ainsi que les choses se passent. Il suffit d'observer le tracé d'une grecque sculptée sur de complexes pendentifs pour être convaincu à jamais des initiatives et des libertés laissées aux artisans orientaux.
Fernand Pouillon, Les pierres sauvages, Paris, Seuil, 1964, p. 109.