En réalité, cette supposée "nouvelle" crise du care n'a rien de nouveau pour les familles de la classe ouvrière ou pour les familles de couleur. Dans ces familles, les femmes ont toujours été saignées à blanc, contribuant aux revenus du foyer par leur travail tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la maison, tout en supportant le fardeau du travail gratuit de care. Les mines et les usines infernales du temps de Marx étaient connues pour leur refus de payer pour la reproduction de la main-d'œuvre. Une partie du fossé ainsi crée était comblée par le travail gratuit des femmes, mais en dépit de leurs efforts constants, la mortalité infantile restait forte et le travailleurs adultes étaient usés et éreintés bien avant leur entrée dans la vieillesse. La main-d'œuvre industrielle devait donc être continuellement renouvelée par l'arrivée de migrants de zones rurales.
De la même façon, de nos jours, le capital mondialisé ne paie toujours ni pour la protection de la main-d'œuvre qu'il utilise, ni pour l'élevage de la génération suivante de travailleurs, ni pour le soin de ceux qui ont travaillé toute leur vie et ne peuvent plus rien produire. Ces fardeaux sont donc pour l'essentiel supportés par deux groupes : a) les femmes (épouses, mères, filles) qui fournissent gratuitement le soin aux jeunes enfants et aux autres membres de leur famille, et b) des employé-e-s mal rémunéré-e-s dans le cadre des services de proximité, comme les aides-soignant-e-s, les auxiliaires de vie, les nourrices ou les assistantes maternelles, qui travaillent aussi bien à domicile que dans des structures collectives, maisons de retraite ou garderie.
Evelyn Nakano Glenn, Le travail forcé : citoyenneté, obligation statutaire et assignation des femmes au care in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), trad. Séverine Sofio, Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 115-116.