Ce qui nous mène au troisième point : en architecture, les contraintes ne sont pas source de difficultés, mais de qualité architecturale. L'absence de bon sens est désagréable aussi au point de vue esthétique, elle l'est autant que le gaspillage ou le manque d'intégration au site. Un projet naît en fonction de la nature du site, qu'il s'agisse d'un terrain, d'un paysage, d'un ensemble existant de rues et d'immeubles. Les matériaux changent d'un site à l'autre ; les matériaux locaux sont moins chers, ils sont généralement mieux adaptés au climat et les ouvriers du coin savent les utiliser. Ils ont certaines habitudes de travail, auxquelles il est difficile de leur faire renoncer. D'ordinaire, le fait d'ignorer l'un ou l'autre de ces aspects conduits à la construction de villes, d'immeubles ou d'instruments arbitraire. Encore une fois, ces facteurs ne sont pas des écueils, mais d'intéressantes hypothèses de travail d'où naissent de nouvelles idées de bâtiments. Quatrièmement : tout cela s'applique également à la fonction du bâtiment, qui est l'un des aspects qui différencient l'art et l'architecture. Prendre en considération la fonction est agréable.
Donald Judd, Art et architecture, 1987, in Écrits 1963-1990, trad. Annie Perez, Paris, Daniel Lelong éditeur, 1991, p. 194.