J'ai proposé à Frédéric1300 qu'on négocie l'achat d'une de ses œuvres. Il a accepté immédiatement. Frédéric vend peu, rien cette année. Il a choisi de me proposer cette œuvre intitulée Ressources. Elle doit être vendue pour exister puisqu'elle consiste simplement à acheter une transaction : j'en aurai la facture (numéro 4). À la différence de Bertrand1200, Frédéric1300 ne fixe pas ses prix en regardant ce qui se fait dans des expos qu'il situe au même niveau que les siennes. Il réclame officiellement pour cette œuvre un minimum de 500 euros, car pour inscrire une œuvre dans le marché de l'art, il faut une valeur qui soit impressionnante mais pas trop, réaliste, un peu risquée, et pratique, car c'est aussi pour lui un moyen de ramasser d'un coup une somme non négligeable plutôt que de vendre cinq pièces pas chères. La publicité que je vais lui faire avec ce texte, à lui Frédéric1300 et à son art, ne mérite-t-elle pas, en l'occurrence, un rabais ? Il me répond qu'il est sensible à l'argument, cependant, comment effectuer cette ristourne ? Une vente à un prix moins élevé reviendrait à produire un faux, le rabais ne peut être qu'officieux : il imagine un reversement rétroactif. Je lui propose alors 400 euros en quatre fois. Lui préfère en trois. Je dis d'accord. Il me répond : tope-là ! Sur le retour, il convient qu'il s'est tout de suite mis en positon de défense : ce n'est pas le contenu de mon argument qui l'a fait céder, c'est juste le fait que j'en ai un.

Christophe Hanna, Argent, Paris, Éditions Amsterdam, 2018, p. 73-74.