Le mode de jeu qui, entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale, a été mis à l'épreuve au Schiffbauerdamm-Theater de Berlin pour fabriquer de telles productions, repose sur l'effet de distanciation. Une reproduction qui distancie est une reproduction qui, certes, fait reconnaître l'objet, mais qui le fait en même temps paraître étranger. Les théâtres antique et médiéval distanciaient leurs personnages avec des masques humains et animaux, le théâtre asiatique utilise aujourd'hui encore des effets de distanciation musicaux et pantonimiques. Ces effets empêchaient indéniablement l'identification, pourtant, cette technique reposait non pas moins mais plutôt davantage sur une base de suggestion hypnotique que celle avec laquelle on obtient l'identification. Les objets sociaux de ces anciens effets étaient totalement différents des nôtres.
Bertold Brecht, Petit organon pour le théâtre [1963, 1964, 1967], Paris, L'Arche Éditeur, 1963, 1970, 1978, p. 40-41.