Vincent, notre futur peintre champion de les toutes causes perdues, de toutes les victimes du système, de tous les plans foireux, de tous les artistes ratés et ignorés, est le fruit étrange d'un microcosme petit-bourgeois, missionnaire, décidé à enrichir le monde en biens et en esprit, qui prend soin de ne pas faire l'étalage de sa réussite, qui encourage le dépassement de soi et la transmission de ses accomplissements aux générations futures. Dans ce sens Van Gogh a été un champion du calvinisme plutôt qu'un Saint-Antoine : il n'a pas amassé d'argent, mais l'a fait fructifier en créant des tableaux, a transmis un savoir nouveau aux générations futures, et a rendu le monde un peu plus beau et plus prospère qu'avant, grâce à la sueur qu'il a fait couler de son front.
Pour réussir cet exploit, il a profondément réfléchi à ce qu'était le marché de l'art de son époque, et en a exploité les possibilité avec une clairvoyance jamais égalée.

Wouter Van Der Veen, Le capital de Van Gogh, Arles, Actes Sud, 2018, p. 28-29.