Josianne les attendait pour leur laisser Géraldine. Elle avait en outre fait l'acquisition d'une scie sauteuse qui allait permettre d'entailler la porte.
"Que moi, j'entaille la porte ? Tu veux que moi j'entaille la porte ? Que je me serve de cet engin ? Est ce que c'est une plaisanterie ? Écoute, je ne crois pas être en état, hein. Je ne suis pas en état de scier une porte. Non, Josianne, même pas un tout petit bout."
Personne ne savait se servir d'une scie sauteuse. C'était un parfait instrument pour se blesser. Il fixait la lame dans son logement et la lame sautait à plusieurs mètres dès qu'il la mettait en marche. Il s'en sentait fatigué d'avance. Mais Irène était intervenue et avait pesé de tout son poids. Il s'agissait de son fils. On lui demandait de faire un effort pour David dont on préparait activement la première nuit en famille et qui donc occuperait cette chambre. On allait également dresser un lit de camp dans le couloir. "Un lit de camp ? Ah bon ? Ah bon ?".
Josianne en avait acheté un, également. En tout cas, il n'y avait pas de pire chose au monde que le bricolage. "C'est du chêne. Ce sont des portes en chêne. Est-ce que tu es sûre que je vais pouvoir scier quatre centimètres d'épaisseur de chêne avec cette saloperie ?" Elle n'en savait rien bien sur et Victor se voyait mal plonger dans le manuel de l'utilisateur qui semblait écrit en tout petit. L'engin ressemblait un peu à un batteur électrique qui lui aussi permettait d'éjecter les accessoires. Pour finir, un nuage de sciure se forma dans le couloir tandis que Victor poussait un long cri de rage et que la scie chantait et fumait dans le bois dur.

Philippe Djian, Doggy bag, saison 5, Paris, Folio Gallimard, 2007, p. 203-204.