Ses amis, les Banko, enterrèrent une voiture vers la fin août. Ils avaient acheté une vieille bagnole pour l'été, ils l'avaient achetée en demandant au vendeur de leur trouver une voiture d'occasion qui parviendrait à survivre tous le mois d'août et jusqu'aux premières semaines de septembre, mais elle ne tint pas longtemps, les roulements avaient lâché, les soupapes avaient lâché, le carter était fendu et le vilebrequin cassé : elle ne marchait plus. Je ne sais quoi dans l'ambiance de cet été fit venir tout les voisins à l'enterrement. Le sculpteur Jack Kearney devint l'ordonnateur des rites et des poètes vivants dans les environs se firent pour la journée officiants des sacrements. Des amis vinrent avec de l'alcool, pendant que Harold Mcginn, un entrepreneur local qui avait un bulldozer et une pelle mécanique, était là à creuser un trou de deux mètres sur deux mètres quarante et deux mètres quarante de profondeur. On tendit une corde pour empêcher les voisins et les enfants de venir gambader trop près de l'abîme. Et la voiture, une conduite intérieur deux tons, abricot et crème, aux traînées de chromes piquées par l'air salin et huit années de soleil, ce véhicule, tout fané maintenant, fut poussé par ceux qui portaient les cordons du poêle, et parmi eux Verseau, pour se retrouver avec son pare-chocs arrière, sa malle et son différentiel dans le trou et son capot dressé vers le ciel. Le bulldozer vint la mettre presque à la verticale et les participants vinrent jeter des pelletées de terre et de sable piétiné.
Norman Mailer, Bivouac sur la lune [1969, 1970], trad. Jean Rosenthal, Paris, Pavillon poche Robert Laffont, 1971, 2009, p. 616.