Stephen Wright — Votre travail ne semble jamais être didactique, bien qu'on dise parfois le contraire. En fait, il n'est jamais facile de savoir exactement où vous voulez en venir...
Martha Rosler — Il ne s'agit surtout pas pour moi d'avoir l'air mystérieuse, mais plutôt d'ouvrir une sorte de faille dans laquelle le regardeur construit un sens. Je dirais la même chose d'œuvres plus directes, comme d'un photomontage qui montre la victime d'une guerre bien connue dans un intérieur domestique qui l'est tout autant. Étant donné la quantité et la diversité des écrits sur la série Bringing the war home au fil du temps, il y a clairement un vaste espace laissé au regardeur pour décider de quoi il s'agit. Et pour moi c'est essentiel. Je ne veux jamais donner une réponse, mais juste un... haussement d'épaule. Par ce qu'un haussement d'épaule est directement lié à la question de l'hétérodoxie en laissant entendre que "je ne suis pas ici pour longtemps, et vous non plus. Nous sommes heureux ici, donc profitons-en et faisons quelque chose. Encore mieux : "Pourquoi ne feriez-vous pas, vous, quelque chose ? Vous pensez peut-être que j'ai avancé une idée définitive sur un sujet, mais, s'il vous plait, pensez encore".
Martha Rosler, "Entretien avec Stephen Wright", in Martha Rosler Library, textes de Marie-Laure Allain, Zahia Rahmani, Martha Rosler, Anton Vidokle, Stephen Wright, Paris, Édition Institut national d'histoire de l'art, 2007, p. 20.