Celui d'Anthime, plus bas et plus trapu — comme s'il fallait décidément qu'une demeure, tel un chien, fût homothétique à son maître —, n'avait qu'un étage et l'on voyait de plus près son frontispice crépi. Moins bien dissimulé par un portail entrouvert aux planches à peu près jointives, peintes en blanc qui s'écaille, il donnait quant à lui sur une zone brève et mal délimitée de mauvaises herbes, bordée de tentatives potagères. Pour entrer chez Anthime, on devait ensuite fouler une dalle de ciment fissuré, juste ornée par les traces de pattes qu'avait précisément laissé un chien — bête sans doute elle-même, donc, aussi basse que trapue —, gravées dans le mortier frais le jour lointain qu'on l'avait coulé. Seul souvenir de l'animal défunt, restaient ses empreintes digitales au fond desquelles s'était accumulée une poussière terreuse, reliquat organique où s'efforçaient de pousser d'autres herbes sauvages au format plus réduit.
Jean Echenoz, 14 [2012], Paris, Hachette livre, 2015, p. 44-45.