Les empreintes livrent les seules images vraies que nous ayons des Hommes de la préhistoire. Tandis que le paléontologue n'a affaire qu'à des os desséchés, l'ichnologue distingue les formes du corps, les contours des pieds ou des mains, il voit en volume la réalité de l'individu ou de l'objet, il perçoit le dynamisme du geste. Des empreintes recueillies dans les grottes ornées nous font suivre le jeu d'un enfant dans les flaques, la démarche prudente d'un adolescent le long d'une paroi, la piste d'un groupe d'adultes arpentant le sol boueux, le geste d'une main appuyée dans la terre meuble, celui des doigts qui recueillent la précieuse argile ou qui lissent la glaise… Au-delà de l'émotion que suscitent ces instants de vie solidifiés, tout un champ de recherche s'ouvre ainsi aux sciences de la préhistoire : car "l'empreinte est fortuite, elle traduit la vie, elle trahit l'individu ; elle est la trace même du mouvement"[1].
Claudine Cohen, La méthode de Zadig, La trace, le fossile, la preuve, Paris, Seuil, 2011, p. 32-33.
[1] Propos de Michel-Alain Garcia, recueillis par Claudine Cohen in "Pour une préhistoire du geste : Michel A. Garcia, artiste plasticien et préhistorien", Alliage. Culture, science, technique, n°34 ; 1998, p. 23-30.