Cramoisi, rubicond, Ottaviani gonflait. Royal, dodu, à l'instar d'un Buck Mulligan paraissant au haut du limaçon psalmodiant un "Introïbo", il avait l'air d'un ballon qu'on fournit aux bambins du jardin du Palais-Royal ou du parc Montsouris.
Puis, tout à coup, ainsi qu'un baudruchon lâchant son gaz sous l'action d'un dard l'incisant, Ottavio Ottaviani conflagra, dans un fracas plus assourdissant qu'un avion Dassault franchissant à Mach III son mur du son dans un Bang-Bang dont pâtit plus d'un miroir au sol.
Puis, quand tout fut fini, on vit qu'Ottavio Ottaviani avait disparu : pas un os, pas un bouton, mais un tas rabougri, pas plus gros qu'un involutif charbon produit par la combustion d'un cigarillo, qu'on aurait pris pour du talc, tant il apparaissait blanc.
Georges Perec, La disparition [1969], Paris, L'imaginaire Gallimard, 2017, p. 299-300.