Proche encore de Morandi ou de Giacometti — dont Genet cite ce propos sur la "solitude des objets" : "Un jour, dans ma chambre, je regardais une serviette posée sur une chaise, alors j'ai vraiment eu l'impression que, non seulement chaque objet était seul, mais qu'il avait un poids, ou une absence de poids plutôt, qui l'empêchait de peser sur l'autre. La serviette était seule, tellement seule que j'avais l'impression de pouvoir enlever la chaise sans que la serviette change de place. Elle avait sa propre place, son propre poids, et jusqu'à son propre silence", et Genet de conclure que l'art de Giacometti est un "art de clochards supérieurs[1]" —, Parmiggiani, lui, estime que "l'art, c'est l'infini à la portée des chiens[2]". Et qu'"il y a plus de vie, plus de vérité, plus de sens du tragique dans un bout de chiffon jeté par terre que dans toute la tragédie antique[3]".
Georges Didi-Huberman, Génie du non-lieu, Air, poussière, empreinte, hantise, Paris, Les éditions de minuit, 2001, p. 92.
[1] J. Genet, "L'atelier d'Alberto Giacometti" (1958), œuvres complètes, V, Paris, Gallimard, 1979, p. 56 et 73.
[2] C. Parmiggiani, Dessins - Disegni, Marseille, CipM-Spectres familiers, 1995, non paginé.
[3] C. Parmiggiani, Stella Sangue Spirito, éd. S. Crispo, trad. française en regard M.-L. Lentengre, E. Bozzini et A. Serra, Parme, Nuova Pratiche, 1995, p. 124-125.