Nous étions cloîtrés dans la cabine audio 4, une sorte de studio d'enregistrement qui flottait sur de la mousse, conçu pour avoir une sonorité neutre. Les paroles prononcées dans la cabine 4 paraissaient anormalement assourdies, tels des objets inanimés. Les parois de la cabine, le sol, le plafond, rien de tout cela ne conférait ni énergie, ni forme par réflectance ou par géométrie aux bruits émis par nos bouches, et cela produisait un effet mystérieux sur le sens et l'impact des mots en soi, difficile à évaluer. J'ai alors compris que la neutralité totale, dans la communication humaine, est déstabilisante ; il faut écrire un article là-dessus.
En face de moi se trouvait un appareil énorme et complexe qu'on pourrait appeler, tout simplement, un tourne-disque, mais dont la présence évoquait davantage un spécimen incroyablement gigantesque de zooplancton. L'acrylique translucide de son énorme plateau et ses divers blocs et cylindres, l'acier inoxydable des poids enchâssés autour de la périphérie du plateau, le titane de son bras délicat aux divers contrepoids et les courroies motrices filiformes menaient à une structure scintillante et prédatrice qui semblait particulièrement adaptée à une vie sous-marine frénétique.
David Cronenberg, Consumés [2008], trad. Clélia Laventure, Paris, Gallimard, 2016, p. 250-251.