En 2000-2001, Éric500 et moi ne nous connaissons pas encore. À ce moment là, je suis ATER à la fac de Nice pour un salaire d'environ 1600 euros net mensuels. Éric, lui, est étudiant à Lyon et travaille en tant qu'Emploi-jeune au sein d'une institution culturelle qu'il préfère ne pas nommer. Il aide à l'organisation de colloques. C'est le travail le plus stable et le mieux rémunéré qu'il ait jamais fait jusqu'à présent, mais en ce Premier de l'An 2014, pas plus que moi il se souvient avec précision du montant de sa rémunération. 500 euros est une valeur approximative qu'il donne avec hésitation. Durant les neuf mois où il est employé par cette institution, il n'a jamais demandé d'augmentation car il vivait bien avec ce qu'on lui donnait. Chaque fois qu'il s'est présenté à un poste, au moment de parler d'argent, il a sombré dans une sous-estimation de lui-même. En tant qu'emploi-jeune, il était censé faire 35 heures sur deux ou trois jours. En réalité, il a dépassé largement ce quota aux moments où se déroulaient les colloques, chaque week-end sans compter les heures qu'il perdait rien qu'en allant sur son lieu de travail, au couvent de La Tourette. Mais cela, il dit qu'il le savait dès le début, qu'on l'avait averti. Plus tard, quand il a dirigé l'atelier de réalisation cinéma à l'ENS Lyon, il était employé sans aucun statut, sans contrat, payé au minimum, finalement viré pour faute grave au prétexte qu'il n'avait pas rendu des notes à temps. Salarié est une condition impossible pour lui. Chaque tentative qu'il a faite pour l'être s'est soldée par des échecs de ce type.
Christophe Hanna, Argent, Paris, Éditions Amsterdam, 2018, p. 27-28.