À l'ouest, Strawl vit quelques maisons abandonnées au bord de la rivière et, en contrebas, ce qui avait été une prairie, un cimetière parsemé de tombes ouvertes. Une équipe de trois Indiens attaquait le sol avec des pelles. Un autre transportait les corps plus haut, où un troisième les inhumait. Le prêtre catholique marmonnait "les cendres aux cendres, la poussière à la poussière" à ceux qui n'avaient jamais su que sans sépulture chrétienne ils étaient condamnés, et il ajoutait aux poteries, aux perles et aux coiffures de plumes un crucifix en étain. À coups de marteau, des menuisiers assemblaient des cercueils que l'Église exigeait en remplacement des couvertures et des robes tombant en lambeaux qui enveloppaient chaque squelette. Personne ne prenait la peine de refermer les sépultures vidées et lorsque monterait le niveau de la rivière, la crue effacerait les tombes.
Bruce Holbert, Animaux solitaires [2012], trad. Jean-Paul Gratias, Paris, Gallmeister Totem noir, 2017, p. 95.