Toutefois Stéphane ne recherchait pas d'effets artistiques ou pittoresques. Ses clichés possédaient la beauté des choses troubles. À la différence des photographes qui travaillaient pour les sociétés funéraires, il ne s'attachait pas à obtenir une miniature agréable, comme si la personne décédée dormait encore. Au contraire, il ne tentait pas d'esquiver l'aspect dur de la mort. C'est pourquoi il ne jouait pas avec le teint et la carnation, n'ajoutait aucune nuance de rose. Il ne voulait pas redonner vie au cadavre, produire l'illusion du naturel. Il souhaitait les représenter tels qu'ils étaient : morts depuis deux ou trois jours, déjà atteints par les stigmates et la décomposition.
(…)
Par son mécanisme, la photographie était appropriée à rendre cette réalité brute de la mort. N'était-elle pas son objet même ?

Bruce Bégout, On ne dormira jamais, Paris, Allia, 2017, p. 29.