John Ruskin est le premier dans le champ du protodesign à s'inquiéter de ce que les hommes soient affamés, tandis que les magasins sont pleins, que les ouvriers travaillent sans relâche pour un salaire de misère et que les richesses s'accumulent. L'espoir de rendre la tâche de l'ouvrier plus digne ne peut passer selon lui que par la condamnation de la machine et par le réexamen de la relation entre l'homme en devenir et son travail : "Vous pouvez enseigner à un homme à tracer une ligne droite et à la couper (…) d'après des modèles donnés, et vous trouverez son travail parfait dans son genre : mais, demandez-lui de réfléchir sur quelqu'une de ces formes, (…) son travail deviendra hésitant ; il pensera et, neuf fois sur dix, dans son premier essai, cet être pensant commettra une erreur. Mais, malgré tout, vous en aurez fait un homme alors qu'il n'était qu'une machine, un outil animé[1]", assène-t-il.

Alexandra Midal, Design, introduction à l'histoire d'une discipline, 2009, Paris, Pocket Univers Poche, p. 48.

[1] John Ruskin, La nature du gothique (1851), Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 1907, p. 40.