Je me suis souvent jetée au centre commercial pour oublier l'insatisfaction de l'écriture en me mêlant à la foule des acheteurs et des flâneurs. Aujourd'hui, c'était l'inverse. Je suis allée à Auchan au milieu de l'après-midi après avoir travaillé depuis le matin à mon livre en cours et en avoir ressenti du contentement. Comme un remplissage du vide qu'est, dans ce cas, le reste de la journée. Ou comme une récompense. Me désœuvrer au sens littéral. Une distraction pure. C'est peut-être ainsi que je peux approcher le plus le plaisir des autres en ce lieu, des jeunes qui y flânent sans un autre but qu'un paquet de chips, des mères venues en bus passer l'après-midi avant la sortie de l'école, de tous ceux qui y viennent — comme autrefois, en ville — faire un tour.
Annie Ernaux, Regarde les lumières mon amour, Paris, Raconter la vie Seuil, 2014, p. 44.