"Fiat ars — pereat mundus[1]", dit le fascisme et, comme le professe Marinetti, c'est de la guerre qu'il attend la satisfaction artistique d'une perception sensorielle métamorphosée par la technique. C'est manifestement la phase ultime de l'art pour l'art. Si jadis, comme chez Homère, l'humanité était pour les dieux de l'Olympe un objet de spectacle, c'est aujourd'hui pour elle-même qu'elle l'est devenue. Désormais, le sentiment de sa propre étrangeté a atteint un point tel qu'elle peut jouir de son propre anéantissement comme d'un plaisir esthétique de premier ordre. Voilà ce qu'il en est de l'esthétisation de la politique que le fascisme encourage. Le communisme réplique par la politisation de l'art.
Walter Benjamin, L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique [1936], trad. Lionel Duvoy, Paris, Allia, 2014, p. 93-94.
[1]Que l'art soit et que le monde périsse.