À l'époque de Rodin, la paléontologie était la grande affaire. Carrière, l'ami de Rodin, faisait des conférences passionnées devant les grandes collections d'os géants fossilisés. Sur le merveilleux frémissent des naseaux. Tout ce qui vit est un pré-fossile. L'homme est aussi une sorte de fossile vivant. C'est ainsi que je comprends tous les fragments humains chez Rodin, qui ne donnent justement pas l'impression de fragments, de quelque chose de défectueux, mais de découvertes complètes, achevées. L'os fossile d'un dinosaure est une chose en soi. Pas seulement une chose à laquelle il manque autre chose. Nous ne connaissons pas le dinosaure. Nous le devinons. Et ce en rassemblant ces morceaux de fossiles. C'est la méthode de travail additive. Que Rodin a aussi utilisée. Mais l'être additionné est une supposition. Ce qui est authentique, c'est chaque partie, chaque "fragment" — isolé. Il en va de même de l'homme, ce fossile potentiel.
Per Kirkeby, Rodin, La Porte de l'Enfer [1985], trad. Jean Renaud, Paris, L'Échoppe 1992, p. 23-24.