Dans la pratique sociale actuelle, dans une société qui n'est pas encore complètement technologique, non seulement on réalise des procédures de raccordement entre organique naturel ou organique artificiel et des procédures bio-mimétiques mais on développe aussi des systèmes et des processus artificiels pourvus d'une vitalité particulière, tels que les technologies immatérielles et hybridantes. Aussi voit-on s'affirmer une conception du monde et de la vie innervée par un réseau diffus et différencié d'intelligence, dont les mondes artificiels constituent une articulation nouvelle, relativement autonome dans son interaction avec les autres articulations préexistantes dans l'espace et le temps.
Dans le processus de cette profonde et problématique mutation conceptuelle entrent en jeu des processus intuitifs où se condensent des significations métaphoriques. Les métaphores, issues aussi bien des théories scientifiques et technoscientifiques que des productions artistiques, représentent par là-même non seulement un point de croisement et de rencontre possible entre l'art et les technosciences mais aussi un champ d'hybridation de leurs applications respectives.
La métaphore a ses racines dans la dimension pulsionnelle de l'inconscient et par conséquent, elle représente une production symbolique profonde du Moi, plongé dans des conditions et des potentialités nouvelles et différentes d'existence et de vie relationnelle. Ainsi peut-on considérer que la métaphore est un facteur de mutation du sens nouveau que nous nous accordons à attribuer à notre monde réel en pleine évolution. Ce sont des métaphores de nature biomorphique que je voudrais examiner ici, en mettant en évidence la correspondance ou l'analogie par rapport à des métaphores scientifiques et technologiques de la même époque.

Piero Gilardi, "Entre naturel et artificiel", Turin, 1993, Communication présentée au colloque Tecnoscienze, intuizione artistica e ambiente artificiale, Turin, 1993, in Not for sale, À la recherche de l'art relationnel 1982-2000, Dijon, Les presses du réel, 2002, p. 136-137.