Ils étaient au square maintenant. J'ai cavalé jusque-là, je suis entré en piétinant les fleurs, le nez en l'air, j'ai buté sur un banc. Je reconnaissais ma vie, cavaler, piétiner, abîmer, tomber. Au milieu du square, y'avait une statue des Anciens Combattants, recouverte de chiures de pigeons, un type en bronze qui avançait avec un drapeau en bronze, qui essayait de sortir de toute cette merde. C'est là que Sonia a réussi à se débarrasser du flic. Il est tombé tout droit en battant l'air, sans gueuler, et il s'est embroché sur le drapeau, TCHOC, le truc l'a presque ouvert en deux. Le drapeau a pris une sale couleur. L'autre essayer toujours d'avancer, toujours dans la même merde, ça en faisait jamais qu'un de plus, ça pouvait pas l'arrêter.

Philippe Djian, 50 contre 1 [1981], Paris, éditions Bernard Barrault, 1983, p. 19.