Pourtant ils avaient gravi la colline, ils avaient contourné la face cachée de la Lune, au-dessus des derniers cratères lisses et maintenant, comme des pionniers débouchant des collines, ils retrouvaient l'équivalent du jour, leur radio fonctionnait et ils avaient au-dessous d'eux un terrain qu'ils pouvaient reconnaître. Là sur le sol lunaire, deux cent kilomètres plus bas, il y avait des plaines, aussi bien que des cratères, des chaînes de montagnes et des ravins qui commençaient à émerger de cette surface criblée à l'infini de cratères qui se mêlaient. Leurs cartes se rapprochaient de la réalité, et leur entraînement, et les films qu'ils avaient étudiés, et les tableaux, et les conseils des astronautes des vols précédents. Quel plaisir de reconnaître toute la mesure d'un fragment de topographie avec un nom, un point de repère à vingt kilomètres. Une voix ravie parla : "Nous survolons le cratère de Taruntius et les photos des cartes rapportées par Apollo VIII et Apollo X nous donnent une bonne idée de ce qu'il faut regarder ici. Ça ressemble beaucoup aux photos, mais la différence est la même qu'entre regarder un match de rugby à la télé ou sur place : rien ne remplace le fait d'être vraiment là."

Norman Mailer, Bivouac sur la lune [1969, 1970], trad. Jean Rosenthal, Paris, Pavillon poche Robert Laffont, 1971, 2009, p. 415.