Se faire à ces tours rouges, métalliques, n'allait pas de soi, rien dans leur forme ou dans leur matière n'était propice à les fondre dans le paysage, à les infiltrer en douceur. Elles y disjonctaient, superstructures, quand pourtant — paradoxe sur lequel on passait des heures à s'interroger — elles s'y plaçaient avec une simplicité déconcertante, quasi énigmatique, à la manière des éléments d'un décor retenus longtemps en coulisses et dont l'heure était venue de paraître au plateau, s'élevant à l'endroit exact où deux croix sur le sol leur avaient désigné leurs places, sûres, incontestables.
Maylis de Kerangal, Naissance d'un pont, Paris, Verticales Gallimard, 2010, p. 232.