Mais tout le monde n'était pas employé de bureau. Le tournant du siècle était aussi une époque de lutte de classes, où des vagues d'immigrants faiblement assimilés s'accumulaient dans les métropoles de le côte est et où la violence des conflits du travail faisait rage à Chicago et dans d'autres centres industriels. Et les élites bourgeoises de ces mêmes métropoles, énamourées de l'idéal artisanal, commencèrent à envisager la possibilité d'offrir aux classes laborieuses un motif d'être contentes de leur sort matériel par le biais de la satisfaction au travail. L'enseignement professionnel pouvait fournir une légitimation idéologique du travail manuel. Tout travail pouvait devenir une forme d'"art" s'il était exécuté dans un esprit adéquat. C'est ainsi qu'un mouvement qui trouvait son origine dans le culte de l'artisan finit par déboucher sur une apologie du travail manuel. Tout travail pouvait devenir une forme d'"art" s'il était exécuté dans un esprit adéquat. C'est ainsi qu'un mouvement qui trouvait son origine dans le culte de l'artisan finit par déboucher sur une apologie du travail industriel. Comme l'écrit J. Lears, "en déplaçant leur attention des conditions de travail à l'état d'esprit du travailleur, les idéologues des arts et métiers se donnaient les moyens de faire l'éloge du travail en général, même le plus autonome[1]".
Matthew B. Crawford, Éloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail [2009], trad. Marc Saint-Ypéry, Paris, éditions de la Découverte, Poche, 2016, p. 38.
[1] T.J. Jackson Lears, No Place of Grace : Antimodernism and the Transformation of American Culture, 1880-1920, University of Chicago Press, Chicago, 1994, p. 76.