Il existe aussi un certain nombre de portraits en marbre qui sont mieux que de simples transpositions mécaniques à partir du plâtre ou du bronze d'origine. Ils semblent avoir été conçus pour être exécutés en pierre par un assistant trié sur le volet, un praticien excellemment doué pour la taille en douceur. Je pense au Puvis de Chavannes, au portait de Lady Warwick, à celui de Lady Sackville-West datant de 1914. Dans ses sculptures, les définitions sont légèrement estompées, voilées, comme pour suggérer quelque chose qui serait vu à travers une brume. Dès lors que ces bustes se veulent des portraits, un tel traitement confère aux modèles un caractère lointain et songeur. Reste que l'on a le sentiment que l'objectif véritable est ici de révéler l'affinité du marbre blanc avec la lumière, si bien que, même dans les plans biais, les ombres paraissent glisser depuis les surfaces, trop lisses pour les retenir. Le marbre semble le véritable objet de ces sculptures, comme la cire l'était des précédentes.
Leo Steinberg, Le retour de Rodin, trad. Michelle Tran Van Khai, Paris, Macula, 1991, p. 72-73.