Depuis 1884, année où le droit de vote fut étendu à la majorité des hommes de Grande-Bretagne, la presse avait souvent attiré l'attention sur le fait que les garçons ayant grandi avec les penny dreadfuls seraient plus tard appelés à élire les dirigeants de la nation. De telles livraisons étaient "le poison qui [menaçait] de détruire la part virile de la démocratie", mettait en garde le Pall Mall Gazette en 1886. Allant encore plus loin, le Quarterly Review avertissait ses lecteurs en ces termes : "La classe que nous avons mise à notre tête" pourrait être transformée par ces publications en "agents du renversement de la société". Les penny bloods donnaient une idée effrayante des usages que feraient les travailleurs de Grande-Bretagne du fait de savoir lire et écrire et de leur pouvoir nouvellement acquis : ces fantasmes de richesse et d'aventures pouvaient engendrer ambition, agitation, défi, un esprit insurrectionnel. On ne savait où conduirait l'expansion des idées et des rêves des classes inférieures.
Kate Sumerscale, Un singulier garçon, le mystère d'un enfant matricide à l'époque victorienne, trad. Éric Chédaille, Paris, Christian Bourgois éditeur, 2016, p. 146-147.