En fait, ce qui me frappe, chez Felipe aussi bien que chez Sandro, c'est que l'un et l'autre parlent de Britney avec beaucoup de retenue et une certaine affection (bien que tous les deux l'aient traquée impitoyablement lors de la séance de tonte dans le salon d'Esther Tognozzi et en d'autres circonstances), Sandro soulignant qu'"elle est exactement comme nous, partie de rien", ou portant à son crédit la simplicité de ses habitudes alimentaires ("elle mange les mêmes cochonneries que nous"), et retrouvant sur son ordinateur, comme Felipe les images de son excursion dans le coupé Mercedes, celle d'une virée nocturne de Britney lors de laquelle, après une baignade improvisée et manifestement éthylique en contrebas de la PCH, à Malibu, elle s'était appuyée à son bras, en sous-vêtements, toute ruisselante, pour sortir de l'eau et regagner sa voiture. À vrais dire, il n'y a rien de particulièrement étonnant à ce qu'ils éprouvent un sentiment plus ou moins fraternel, ou reconnaissant, à l'égard de quelqu'un qui les fait vivre et qu'ils suivent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ou peu s'en faut, respectivement depuis quatre et six ans (au point, d'après Sandro, le plus ancien dans le métier, d'en "rêver le nuit"). Mais il est déjà plus surprenant de les trouver l'un et l'autre aussi sceptiques quant à la réalité des histoires que leurs images servent à mettre en scène — ainsi récemment, de la crise de rage que Britney aurait piquée au Mondrian, ou de sa liaison supposée avec un de ses gardes du corps —, comme il est surprenant de découvrir que Felipe, dont l'ambition est de devenir un jour officier du LAPD (la police de Los Angeles), tue le temps en écoutant de la musique religieuse, et brésilienne, de préférence aux chansons de Rihanna ou de Lady Gaga.
Jean Rolin, Le Ravissement de Britney Spears, Paris, P.O.L, 2011, p. 245-246.