(…) ce qui signifie notamment que notre connaissance de l'art ne se limite pas aux œuvres données dans leur présence physique effective, loin s'en faut, et qu'elle est même généralement fondée sur d'autres modes d'accès qui sont autant de modes d'être et d'exister pour les œuvres elles-mêmes[1]. De ce point de vue, les livres, la photographie, le cinéma ou la vidéo, les ressources d'Internet et de la numérisation, les discours ou les récits, loin d'être de simples vecteurs d'accès, sont autant de manière d'être, au sens où c'est ainsi que les œuvres existent dans l'espace public et dans la culture. Il est à peine besoin de dire que les moyens technologiques qui y contribuent jouent un rôle décisif. Ils entrent pour ainsi dire dans le champ d'une division linguistique et technique du travail dont ce qui "fait art" n'est pas dissociable.
Que seraient les œuvres dont nous avons connaissance ou celles qui ont notre préférence, abstraction faite de ces conditions, de ces moyens et de ces dispositifs, tels qu'ils se conjuguent et sont agencés dans les contextes qui nous sont familiers ?
Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 153.
[1] Cette façon d'aborder la question s'appuie en partie sur la contestation de l'idée même de connaissance directe (ou par acquaintance) et de donné. Des inférences sont toujours en jeu.