Le vent qui vient de se lever d'un coup plaque ses vêtements contre sa peau, dénie leur existence et leur fonction. Comme il attaque de front la surface de son corps, l'homme se sent nu et doit s'y reprendre plusieurs fois pour allumer une cigarette, les allumettes n'ayant pas le temps de s'embraser. Il y parvient enfin mais cette fois c'est la Gauloise qui, comme à la montagne — bref souvenir de sanatorium —, n'a plus le même goût que d'habitude : le vent profite de la fumée pour s'introduire en même temps qu'elle dans les poumons de Ravel, refroidissant maintenant son corps de l'intérieur, l'attaquant de toutes parts, lui coupant le souffle en le décoiffant, faisant voltiger sa cendre de cigarette sur ses habits et dans ses yeux, le combat devient trop inégal, mieux vaut battre en retraite.
Jean Echenoz, Ravel, Paris, Les Éditions de Minuit, 2006, p. 23-24.