Pour devenir objet de consommation, il faut que l'objet devienne signe, c'est-à-dire extérieur de quelque façon à une relation qu'il ne fait plus signifier — donc arbitraire et non cohérent à cette relation concrète, mais prenant sa cohérence, et donc son sens, dans une relation abstraite et systématique à tous les autres objets-signes. C'est alors qu'il se "personnalise", qu'il entre dans la série, etc. : il est consommé — non jamais dans sa matérialité, mais sans sa différence.
Cette conversion de l'objet vers un statut systématique de signe implique une modification simultanée de la relation humaine, qui se fait relation de
consommation, c'est-à-dire qui tend à se consommer (au double sens du mot : à s'"accomplir" et à "s'abolir" dans et à travers les objets, qui en deviennent la médiation obligée, et, très vite, le signe substantif, l'alibi.
On voit que ce qui est consommé, ce ne sont jamais les objets, mais la relation elle-même — signifiée et absente, incluse et exclue à la fois, — c'est l'idée de la relation qui se consomme dans la série d'objets qui la donne à voir.
Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 1968, p. 277.