Et Duns Scot précisait qu'il n'y a aucune différence d'essence entre la nature commune et l'ecceité. Ce qui signifie que l'idée et la nature commune ne constituent pas l'essence de la singularité, que la singularité, en ce sens, est absolument inessentielle et, donc, que le critère de sa différence doit être recherché ailleurs que dans une essence ou un concept. Le rapport entre commun et singulier n'est donc plus pensable comme la permanence d'une essence identique dans les individus singuliers et le problème même de l'individuation risque de ne paraître qu'un pseudo-problème.
Rien de plus instructif, à cet égard, que la manière dont Spinoza pense le commun. Tous les corps, dit-il (Éthique, II, lemme II), ont en commun le fait d'exprimer l'attribut divin de l'étendue. Toutefois (selon la proposition 37, ibid.), ce qui est commun ne peut, en aucun cas, constituer l'essence d'une chose singulière. Décisive est ici l'idée d'une communauté inessentielle, d'une solidarité qui ne concerne en aucun cas une essence. L'avoir lieu, la communication des singularités dans l'attribut de l'étendue, ne les unit pas dans l'essence, mais les disperse dans l'existence.
Giorgio Agamben, La communauté qui vient, Théorie de la singularité quelconque, trad. Marilène Raiola, Paris, Seuil, 1990, p. 24.